Violoniste universelle ? Isabelle Faust est l’une des rares artistes dont les interprétations font date du baroque au contemporain.
Ses enregistrements de Bach sont célébrés par les critiques du monde entier – et ont probablement contribué à "sauver" les œuvres du cantor d’une appropriation par les seuls spécialistes de musique ancienne. Les compositeurs de notre temps s’arrachent cet archet intrépide et rigoureux.
Fait plus rare, exceller aux deux extrémités du répertoire ne l’a jamais empêchée d’être sollicitée par les plus grands, à commencer par Claudio Abbado, pour en défendre les piliers. En témoigne aussi sa relation avec l’Orchestre de Paris. Depuis ses débuts en 2005, la violoniste allemande (et profondément francophile, comme en atteste sa gourmandise à parler notre langue) s’est déjà produite plus de vingt fois à ses côtés ! Salle Pleyel, puis à la Philharmonie, mais aussi lors d’une mémorable tournée au Japon en 2018 – cette collaboration fut particulièrement intense avec Daniel Harding, témoignage d’une profonde connivence entre les deux artistes. Magnifiant avec la même flamme, la même précision exigeante, les pages romantiques, les monuments du XXe siècle – pour les rendre familiers au public –, et la création.
Manquait l’un des jalons dans l’histoire des grands concertos, qui est aussi l’une des œuvres d’élection de la violoniste : le Concerto de Brahms. Mais à cette amitié musicale privilégiée, il ne suffisait pas d’ajouter une date au coin d’un programme. C’est une véritable résidence sur trois soirées, au concert symphonique des 9 et 10 février dans la Grande salle Pierre Boulez s’ajoutant un moment d’intimité artistique au Studio, le 11.
"Lorsque la direction de l’Orchestre, en plus du Concerto pour violon, m’a proposé un concert de musique de chambre autour de Brahms, j’ai accepté avec joie de jouer l’une de mes œuvres préférées : le Quintette avec clarinette où s’illustreront mon ami, le grand musicien Pascal Moraguès, et Klaus Mäkelä, que j’ai hâte de connaitre sous ses deux casquettes de chef d’orchestre et de violoncelliste", s’enthousiasme Isabelle Faust.
Le changement d’effectif n’est pourtant pas, selon elle, la gymnastique la plus complexe ; celle à l’œuvre dans le concerto est de loin la plus redoutable.
"Il est très complexe à jouer, car écrit comme une symphonie où le violon doit être en constant dialogue avec l’orchestre. L’enjeu principal est de rester soliste tout au long de l’œuvre, en se fondant à chaque instant dans les textures des pupitres. D’y pressentir l’âme chambriste, en quelque sorte. J’aime les individualités si fortes qui composent l’Orchestre de Paris, elles sont une clé pour construire ce son si particulier, qui ne doit surtout pas sembler monolithique !"
Est-ce à dire, après cela, que le Quintette avec clarinette serait une promenade santé ? La richesse formelle de cette œuvre tardive de Brahms, alternant selon les mouvements la forme sonate et celle du Lied, apporte déjà la réponse. Nul doute que le sens de l’écoute entre les musiciens, le plaisir virtuose à déployer sa ligne, assorti du goût pour le son d’ensemble seront de nature à relever le défi !